lundi 12 mai 2014

Andrée Chedid, 'Poèmes', Flammarion 2013

Voilà un une œuvre réunie qui permet d'apercevoir un  long chemin dans la poésie : soixante ans de poèmes, parcours généreux !

  • Dès son premier travail poétique en français -- Textes pour une Figure, 1949 -- Andrée Chedid exprime sa proximité avec René Char :
Derrière le visage et le geste
Les êtres taisent leur réponse
Et la parole dite alourdie
De celles qu'on ignore ou qu'on tait
Devient trahison

Je n'ose parler des hommes je sais si
Peu de moi

Mais le paysage [...]

  • Fut-elle fidèle à la haute exigence du poète de la Sorgue ? Certes, les périodes ne manquent pas où la voix se fait plus incertaine et plus frêle, ou le poème tente de raisonner, tournant autour d'idées presque naïves. Mais des titres, au moins, témoignent de l'attention qu'elle garde envers René Char : Visage premier, L'éclair me tient, Fraternité de la parole...Et dans ce dernier livre (1976), de belles recherches sur
Le mouvement

Forge le contraire de ce monde
Où l'âme perd rumeurs
Où le temps nous tarit

L'homme périt de son propre venin
Mais s'élève dans la lueur qu'il esquisse

Enfante-toi
Enjambe-toi

Dénoue le mouvement

  • La même année, 1976, paraît Cérémonial de la violence, un "Cri pour le Liban", sa patrie hors la France :
Pas de prisonniers, mes frères

Que votre cité devienne un abattoir !
Que vos collines se transforment en charniers !

Défoncez vos ruelles
Signez vos maisons
Remâchez vos griefs
Grisez-vous de pillage

Bafouez          Exécrez

Le temps vous le rendra !

  • Avec Vieillir, puis Mourir, qui paraîtront réunis dans L’Étoffe de l'univers, en 2010, cette voix jamais haussée, toujours à fleur d'existence, atteint un ton de vérité qui, malgré la ténuité de la prosodie, force le respect :
La mort immense
Nous fait face
Elle est silence
Elle est parole
Tombée du vent
Elle est poussière
Sur le sommeil

La mort immense

Nous fait faceElle nous accueille
Puis nous chasse
Elle est la nuit
Parfois le jour...

  • Adrée Chedid, prix Goncourt de la poésie 2002, meurt à Paris en 2011, à l'âge de 90 ans. Les éclats de ses recherches modestes et sincères n'ont pas fini de nous toucher.
Jean-Marie Perret.
  • Andrée Chedid, Poèmes, Flammarion, Mille et une pages, octobre 2013.

1 commentaire:

PERMI4 a dit…

La disparition d'Andrée Chédid signe-t-elle celle de ce blog? Un petit vers de temps en temps ...