mercredi 14 octobre 2009

Jacques Chessex


Si le désir de la blancheur t'enveloppe
Sans hâte ami ouvre ta porte
A l'aube tu te rappelles le bras maternel
Et il neige ô cadeau de la neige
Sur toute blessure
Les haies du coeur
Peu à peu adoucies par cette étreinte
Et moins de bruit moins de terre
Ton corps allant à l'air
Ton esprit à son seul mouvement
Par le blanc de la parole sans mots
La certitude de l'être
Comme un feu qui ne s'éteint
Ni au blanc en toi qui rêve

Jacques Chessex a marqué par sa prose romanesque, mais son oeuvre poétique est largement sous estimée. C'est dommage. Certes, il n'a pas cherché à unifier ses nombreuses publications en vers, et les lignes peuvent en paraître brouillées. Certes, la langue de sa poésie est peu différente de celle de sa prose, et l'ambition de rendre compte le mieux possible d'émotions simples semble centrale.
Il n'empêche. Il y a là une voix bien timbrée, un chant fermement entonné, comme on le voit par l'exemple de la pièce citée ici, intitulée Un feu qui ne s'éteint, extraite de l'ensemble Dix-neuf neiges publié dans Le désir de la neige, Grasset, 2002.
- Qu'entends-tu sur le bord de la neige ?
- Je n'entends rien ou ce bruit
Qui vient de mon coeur toujours tenté
De redescendre dans le rien
Il faut convenir que la poésie vaudoise, hors de Suisse, n'est l'objet que d'une attention distraite.
La mort du poète, hélas, nous fait nous ressouvenir.
"Je suis très ouvert et très secret", notait Jacques Chessex, dans un Autoportrait joint à ses 'Entretiens' avec Jérôme Garcin (La Différence, 1979)... Il y a dans mon être une qualité considérable de réserve, d'obscurité, de capacité à me voiler, à prendre mes distances. D'une certaine façon je me donne, de l'autre je me renferme sur mes forces, sur mes natures et sur mes gouffres, avec un sentiment de certitude et la volupté de cette certitude. Ce caractère secret m'est parfois insupportable, mais je n'y peux rien, il tient aussi à ma sauvagerie... Je suis profondément attaché à la dimension spirituelle, à l'absolu et à la chair... La chair est dans l'esprit, l'esprit est dans la chair, il n'y a pas de frontière, il n'y a pas de distinction entre la prose-chair et le poème-esprit. Le poème n'est pas l'esprit ni le roman la chair"...
Voir par ailleurs le superbe hommage rendu en son temps par J.Chessex, à l'un de ses maîtres vaudois en littérature, Charles-Albert Cingria : http://archives.tsr.ch/player/personnalite-chessex4 (Télévision Suisse Romande, Janvier 1968)

Jean-Marie Perret

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