- Dès son premier travail poétique en français -- Textes pour une Figure, 1949 -- Andrée Chedid exprime sa proximité avec René Char :
Les êtres taisent leur réponse
Et la parole dite alourdie
De celles qu'on ignore ou qu'on tait
Devient trahison
Je n'ose parler des hommes je sais si
Peu de moi
Mais le paysage [...]
- Fut-elle fidèle à la haute exigence du poète de la Sorgue ? Certes, les périodes ne manquent pas où la voix se fait plus incertaine et plus frêle, ou le poème tente de raisonner, tournant autour d'idées presque naïves. Mais des titres, au moins, témoignent de l'attention qu'elle garde envers René Char : Visage premier, L'éclair me tient, Fraternité de la parole...Et dans ce dernier livre (1976), de belles recherches sur
Forge le contraire de ce monde
Où l'âme perd rumeurs
Où le temps nous tarit
L'homme périt de son propre venin
Mais s'élève dans la lueur qu'il esquisse
Enfante-toi
Enjambe-toi
Dénoue le mouvement
- La même année, 1976, paraît Cérémonial de la violence, un "Cri pour le Liban", sa patrie hors la France :
Que votre cité devienne un abattoir !
Que vos collines se transforment en charniers !
Défoncez vos ruelles
Signez vos maisons
Remâchez vos griefs
Grisez-vous de pillage
Bafouez Exécrez
Le temps vous le rendra !
- Avec Vieillir, puis Mourir, qui paraîtront réunis dans L’Étoffe de l'univers, en 2010, cette voix jamais haussée, toujours à fleur d'existence, atteint un ton de vérité qui, malgré la ténuité de la prosodie, force le respect :
Nous fait face
Elle est silence
Elle est parole
Tombée du vent
Elle est poussière
Sur le sommeil
La mort immense
Nous fait faceElle nous accueille
Puis nous chasse
Elle est la nuit
Parfois le jour...
- Adrée Chedid, prix Goncourt de la poésie 2002, meurt à Paris en 2011, à l'âge de 90 ans. Les éclats de ses recherches modestes et sincères n'ont pas fini de nous toucher.
- Andrée Chedid, Poèmes, Flammarion, Mille et une pages, octobre 2013.
1 commentaire:
La disparition d'Andrée Chédid signe-t-elle celle de ce blog? Un petit vers de temps en temps ...
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