jeudi 17 avril 2008

Marie-Claire Bancquart


Dans la clairière une grande pierre debout
ressemble à une femme
pas tout à fait achevée
qu'on aurait hissée de dessous la terre

je
ne
veux
pas dit-elle
n'être plus qu'un morceau
de ce monde qui m'ajustait bien étroit

ne me donnez pas un coeur, ses pulsations faussées
vers l'introuvable,

faites une ouverture-éclair sur le sol
glissez-moi de nouveau dans le touffu
rendez-moi l'indistinct.

Et nous l'avons abandonnée parmi les feuilles,
ne pouvant
faire mourir la mort.
Musique : on aurait ici quatre compositions, chacune assemblant deux ou trois mouvements, chacun de ces mouvements liant ensemble cinq, douze, vingt pièces. Et chacune de ces pièces compte à son tour de quelques vers à plus d'une page. La table d'un tel livre éclaire d'un jour inattendu la grande familiarité du poète avec les modes d'organisation de la musique de son temps : on sait sa collaboration comme librettiste à plusieurs oeuvres du compositeur Alain Bancquart. Familiarité, de plus, avec les manières de titrer : la dégustation de la table de Verticale du secret est d'une grande gourmandise.
"Chaque partie du recueil va du noir à cette clarté qu'on tente de dire en mots rigoureux", risque l'auteure. Qu'il soit permis de dire que l'oeuvre ici dépasse l'intention : c'est davantage encore dans l'enrichissement du parcours que se vérifie la nécessité du poème. "Pigiste de la vie", "Pour le profond du corps", "Ville, et toi", "Isis toujours" - les quatre parties qu'on a dites, diffractée chacune en une multitude de grains, d'ombres et de timbres, proposent autant d'entrées dans ce qui serait le son de vivre - et son silence. Sans oublier jamais ce que femme veut dire :

Femmes,
nos vêtements aux poches si rares

une parfois, où traîne un reçu de distributeur
un ticket périmé
quelques grains
d'une tige, qui fut brin de lavande

rien pour notre identité, notre demeure...

Tout cela fugitif, dévoré
comme notre beau genre...
Orphée s'éloigne, reste Isis toujours : témoin ce livre superbement composé.
Jean-Marie Perret.
  • Marie-Claire Bancquart, Verticale du secret, Obsidiane, 4e trim. 2007.

2 commentaires:

Fabien Perret a dit…

le blog est vraiment agréable, très lisible et maniable : bravo !
F

Anonyme a dit…
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